[Juillet] Défi n°3 - La traque aux ments

Surfer

Elle, c’est la surfeuse type, sortant de l’eau en bikini, puis montrant ses formes en s’étirant pour ranger sa planche sur la galerie en bois de son bus VW.
Lui, il a une américaine, décapotable, puissante mais pas monstrueuse, disons une Coronet. Lunettes de soleil sur le nez, surf sur la banquette arrière. Il découvre au fur et à mesure, ça pourrait être la première fois qu’il vient dans la région.
Toujours qu’ils se parquent à côté, remarquent l’autre, lui trouvant déjà un certain charme. Ils sont sur un parking, ils ne s’abordent pas. Peut-être faut-il que leurs voitures se touchent juste quand l’un repart pour qu’ils commencent à se parler.
Et ça prend. Ils aiment les deux le surf, il ne connaît pas les spots, elle aime faire découvrir sa région aux gens du même milieu. Elle lui fait vite faire le tour des plages dans son T1. Rouleaux et crêtes d’écumes, ils oublient tout le reste. Il rencontre ses potes surfeurs à elle, tous des gars et des filles passionnés. Soirées autour du feu sur la plage, tous à fond dans les vagues.
Parcourent toute la côte dans leurs voitures, les mecs riant en admirant la mer par les fenêtres du bus, les filles prenant le soleil dans la Coronet décapotée. Windows down, music up, et du surf sur des plages toutes plus belles les unes que les autres. Un road trip de folie.
Et ils finissent par revenir sur le même parking, juste les deux. Et il réalise qu’il ne l’a même pas embrassée. Eclats de rire, adrénaline dans les vagues, nuits passées entre amis dans des coins paradisiaques, ils n’ont même plus pensé à être juste les deux. Même s’ils avaient bien ressenti quelque chose les premiers jours.
C’est pourquoi là, sur ce parking d’une plage, ils rapprochent enfin leurs lèvres et bouclent la boucle. Ils voudraient rester là toute leur vie. Mais ce n’est pas possible, ils vont chacun retourner à leur vie. C’était un baiser, rien d’irréparable. Ne l’oublieront jamais, oui. Le regretteront-ils, non. En faisant le tour du parking dans sa Coronet, il ne peut détacher son regard de ses rétros, où elle lui apparaît encore plus belle qu’alors. Tandis qu’elle ne pense plus à son bus, ni à sa planche, le regardant partir dans un regard mélancolique disant tout son amour.

Je dérape sur le sol graveleux en tentant de m'enfuir, ma gorge et mes poumons agonisent tandis que la salive envahit ma bouche et gêne ma respiration difficile. Je me relève tant bien que mal en pestant contre mon genou éraflé et contre les arbres alentours. Ils ne veulent pas changer. Ma course effrénée ne m'éloigne pas d'eux malgré tout mes efforts, je crois même que je m'enfonce encore plus dans les bois. Le truc c'est que si je reste ici... je repense à ce qu'elles ont fait à Tim dans cette clairière et ne peut réprimer un haut-le-cœur, il faut que je quitte leur territoire et vite ! Tout avait si bien commencé pourtant ! On n'avait jamais plombé autant de bêtes en une journée, c'était la forêt parfaite pour deux chasseurs. Du moins c'est ce que je pensais avant que... mon dieu de telles choses ne peuvent pas exister ! Elles ne peuvent pas me faire ça à moi ! C'est moi le chasseur ! C'est moi qui domine la nature, pas l'inverse ! Et c'est pas ces trucs qui vont se retourner contre la suprématie de l'être humain : elles sont censées bouffer des insectes putain !

Je file à travers les bois pour mettre le plus de distance possible entre ces choses et moi. Les branches me fouettent le visage, les ronces étiolent mon gilet et saignent ma peau tandis que je désespère un peu plus à chaque seconde de retrouver mon chemin dans les ténèbres environnantes. Le crissement sadique de leurs mandibules résonne à mes oreilles comme une menace cachée dans les ombres. Et soudain je la voie à la sortie d'un buisson : la lumière salvatrice d'un lampadaire à quelques mètres devant moi, la fin de leur territoire, la fin du cauchemar. Je stoppe ma course en exhalant de soulagement : c'est fini putain ! Si j'arrive à ma voiture, je pourrais me barrer de cette forêt de fou et appeler les flics et la putain d'armée ! Ils vont raser cet endroit, ils vont montrer à ces bestioles que mêmes elles ne peuvent rien face à un bon lance-flamme. Je boitille vers la lueur en grimaçant à la fois sous le coup de la douleur et d'une joie carnassière. Elles vont payer ! Un craquement venu d'au-dessus de ma tête stoppe soudain ma course. Je saisis en une fraction de seconde. Mon corps tout entier se change en pierre, mon sang gèle dans mes veines. Je comprends. Mon échine tremble en sentant la menace de mort ourdir juste au-dessus d'elle. Je comprends que c'est fini.

Je n'ai que le temps de lever la tête et de voir la lumière du lampadaire se refléter dans d'innombrables pairs d'yeux globuleux avant que les ombres géantes ne fondent toutes en même temps sur ma personne. 

On dirait bien que le chasseur est devenu la proie.